L02, les textes

Au lecteur

La sottise, l’erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l’oreiller du mal c’est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d’une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d’helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie,
N’ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C’est l’Ennui ! – l’oeil chargé d’un pleur involontaire,
Il rêve d’échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
– Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère !

Charles Baudelaire

Fort pauvre d’esprit d’ordre et de suite, insoucieux des affaires, je passais sans cesse de la dissipation à la lésine, pensant réparer par celle-ci les fautes de celle-là
Milosz, Amour. invitation,1910, p. 33

Hello était si peu artiste que d’adorables légendes déteignent dans ses doigts quand il y touche; la lésine de son style appauvrit les miracles et les rend inermes
Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 40

La mauvaise hygiène, cette longue retraite confinée au fond des appartements (…) les avaient rapidement réduits; mais la lésine morale avait fait plus encore
Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1937, p. 202

MlleVerne (…) régit la paroisse; et, contre la majorité du village, qu’elle hait et qui le lui rend sans lésine, elle dirige, d’un verbe impératif, le clan de résistance réactionnaire que toute église groupe dans son ombre.
Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1039.

C’est comme un avare qui se met en frais, il y a de la ladrerie dans sa magnificence
M. de Guérin, Journal,1833, p. 172

Chaque mois, travaillé de sa ladrerie héréditaire, il plaçait déjà de l’argent dans d’infimes spéculations, connues de lui seul
Zola, Œuvre,1886, p. 191

La ladrerie est considérée par la loi comme vice rédhibitoire. La viande des porcs atteints de ladrerie ne peut être consommée, et doit être détruite
Garcin, Guide vétér.,1944, p. 36

Costals pince un de ses doigts, ne sent rien. La sueur humecte son front. L’anesthésie de la lèpre
Montherl., Lépreuses,1939, p. 1488

Dans cette période de la lèpre, la peau a déjà perdu de la sensibilité
Voy. La Pérouse,t. 4, 1797, p. 1

Sur le front de mer les terrasses vitrées, mortes, leurs ferronneries mangées de lèpres salines, angoissent comme des bijouteries mises au pillage
Gracq, Beau tén.,1945, p. 9

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